Soutien aux personnels de santé en lutte !

Le mardi 14 janvier 2020, lors d’une conférence de presse, près de 1200 chefs de service et responsables des hôpitaux publics ont officiellement annoncé leur démission de leurs fonctions d’administration, de gestion et de représentation. Plusieurs, parmi eux, avaient les larmes aux yeux, comme la professeure Agnès Hartemann (ancienne chef de du service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière) lors de son poignant discours. En plus d’être national, ce mouvement est massif dans certains établissements : ils sont près de 50 chefs de service à Marseille, 19 à Limoges, ou encore 15 à Nantes, à avoir ainsi remisé symboliquement leurs blouses blanches. Cette démission ne concerne que la partie administrative du travail des médecins (aller à une réunion avec l’administration, lui rendre des comptes, répondre à ses demandes…) ; les soins sont donc assurés, mais les services hospitaliers en seront forcément perturbés.

Comment en est-on arrivé là ?
Dans une lettre collective adressée à Agnès Buzyn (ministre de la santé et des affaires sociales), publiée le 13 janvier 2020, par le journal Libération, ils et elles dénoncent la « dégradation des conditions de travail des professionnels […] telle qu’elle remet en cause la qualité des soins et menace la sécurité des patients » et le « démantèlement en cours de l’hôpital public » qui « coûtera beaucoup plus cher à la société que l’investissement massif qui doit être réalisé. » En parallèle, les signataires revendiquent un plan dont « le volet national » comprend « une revalorisation significative des salaires, en plus des diverses primes annoncées », « un Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2020 n’imposant pas de nouvelles économies aux hôpitaux » et « une révision profonde du mode de financement » pour « appliquer la règle du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité », « inciter à la pertinence des prescriptions et des actes au lieu de rechercher à développer les activités rentables pour l’établissement » et « donner un sens à une cogestion effective médico-administrative disposant d’une réelle autonomie grâce à une rénovation de la gouvernance impliquant médecins et gestionnaires, personnels et usagers. »
En clair, cette large démission constitue la conséquence de la casse massive et continue du service public de l’hôpital et de la santé, ainsi que de la stratégie de sourde oreille et de pourrissement (qui s’observe déjà avec le mouvement contre la réforme des retraites), assumée par Emmanuel Macron et le gouvernement d’Édouard Philippe.

Depuis plusieurs décennies, les différents gouvernements (conservateurs, libéraux et sociaux-démocrates) qui se sont succédé au pouvoir en France ont graduellement imposé à l’hôpital public une autonomie administrative et financière, une logique de rentabilité à tout prix, un alignement des pratiques et du management sur le secteur privé, non adapté à une mission de service public, à travers un vaste plan d’économies drastique et injustifié.
Cela se traduit par un mode de tarification à l’activité (T2A), adopté en 2004 et dénoncé par les soignants : dès l’entrée d’un patient à l’hôpital, il est classé selon sa pathologie dans ce qu’on appelle un GHM (groupe homogène de malades). Il est ainsi rangé dans une catégorie à laquelle est attribué un tarif (qui est le même pour tous les hôpitaux et qui résulte d’un calcul statistique sur une trentaine d’hôpitaux-témoins). Avant l’introduction de ce dispositif, l’hôpital public était financé par une dotation globale forfaitaire versée par la sécurité sociale à chaque établissement sous forme d’allocations mensuelles.
Cela se traduit également par la loi portant « réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires » (loi Bachelot) en 2009. Cette loi a introduit une nouvelle gouvernance dans les hôpitaux publics en important des pratiques et une organisation issue du secteur privé (recrutement sur CV du directeur d’hôpital, venant du privé et non plus systématiquement issu de l’École des hautes études en santé publique, et accroissement du pouvoir de celui-ci sur la gestion du personnel).
Les conséquences de cette politique ont été catastrophiques pour le service public : compression des charges de personnels, ces derniers qui voient parallèlement l’activité augmenter avec quelquefois des conséquences dramatiques (suicide par défenestration d’un infirmier de l’hôpital parisien Georges-Pompidou sur son lieu de travail en 2017) et une hospitalisation moins longue pour les patients au détriment de la qualité des soins.

Curieusement cette détérioration du service public de l’hôpital et de la santé s’est accompagnée d’un essor de l’hospitalisation privée, reléguant l’hospitalisation publique à la prise en charge des pathologies les plus graves. Beaucoup de ces hôpitaux privés sont détenus par des monopoles capitalistes, comme Ramsay Santé filiale du groupe australien Ramsay Health Care et propriétaire de l’Hôpital Privé de l’Est Lyonnais (Noalys) et de l’Hôpital Privé Métropole (HPM) de Lille, ou encore ELSAN, qui gère 120 cliniques et hôpitaux privés avec 25 000 collaborateurs dont 6 500 médecins libéraux en France. De plus, la Sécurité sociale assure 90% des recettes de l’hospitalisation privée, pour le plus grand bénéfice des actionnaires et de fonds d’investissements comme CVC Capital Partners ou Tethys Invest. Ce processus de marchandisation des soins a été mis en évidence lors du rachat de MédiPôle Partenaires par ELSAN, et les grèves à la polyclinique de l’Ormeau à Tarbes et à la clinique du Pont de Chaume à Montauban : le patient constitue un client et le personnel une variable d’ajustement pour l’accroissement des profits.

La France a parfaitement les moyens de financer et de construire un grand et solide service public de la santé et de l’hôpital et, contrairement aux discours fatalistes, cela relève d’un choix complètement politique.
Bien qu’aujourd’hui il y ait l’urgence d’une profonde rupture politique avec celles rappelées ci-dessus, cette rupture véritable ne pourra se faire dans le cadre du capitalisme au stade impérialiste. Le capitalisme traverse actuellement une crise profonde qui accentue ses contradictions et le rend de plus en plus obsolète. Pour limiter voire contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit, qui s’aiguise, la bourgeoisie monopoliste n’a pas d’autres choix que d’ouvrir de nouveaux marchés voir d’en conquérir, en plus de casser les salaires et les conditions de travail et de vie. Cela a pour conséquence de casser les services publics, de renforcer le danger de guerre, de multiplier les expéditions militaires pour la conquête de ressources ou potentiels marchés et d’accentuer la catastrophe environnementale en cours.
Rappelons qu’en 2019, les entreprises du CAC 40 ont reversé plus de 60 milliards d’euros à leurs actionnaires, c’est-à-dire 12,3% de plus qu’en 2018.
N’oublions pas que toutes les aides distribuées aux entreprises (Crédit impôt recherche, allégements de cotisations…) coûtent de plus en plus cher aux travailleurs, tout en ne leur rapportant strictement rien, puisque tout va au grand capital.
N’oublions pas la fraude fiscale : elle coûte entre 80 et 100 milliards d’euros chaque année, selon le syndicat Solidaires Finances Publiques, pourtant plusieurs dizaines de milliers de postes ont été supprimés dans l’administration fiscale entre 2018 et 2019.
N’oublions pas non plus que toutes les opérations militaires extérieures de la France dans le monde (Opex) dépasse le milliard d’euros chaque année. Le choix imposé depuis plus de 30 ans par la bourgeoisie monopoliste consiste donc à distribuer un « pognon de dingue » aux grands monopoles, à engager de coûteuses et meurtrières opérations militaires, et à dilapider les grandes conquêtes sociales et démocratiques du peuple travailleur (les services publics, le système de retraite par répartition et le code du travail entre autres) sous prétexte qu’ « il n’y a pas d’alternative ».

Imposer un autre choix politique est possible, mais sous le socialisme-communisme.
C’est une société dans laquelle le prolétariat, allié aux autres couches laborieuses de la société, aura renversé révolutionnairement le capitalisme, établi sa propre dictature de classe sur les exploiteurs, socialisé les moyens de production et d’échange en gérant la production selon une planification centralisée et démocratique pour répondre aux besoins des populations et des territoires. Pour en arriver là, il faut l’unité du peuple travailleur sous la direction politique du prolétariat armé de la conscience révolutionnaire.

Les faits tendent vers cette direction : le combat pour le service public de la santé et de l’hôpital se fond dans le combat pour la construction de solides services publics centralisés et démocratiquement gérés par les travailleurs qui, avec le combat contre la réforme des retraites et celui pour les droits et les libertés démocratiques entre autres, se fond également dans le combat de classe contre le capitalisme.

Le Parti Communiste Révolutionnaire de France (PCRF) exprime son total soutien aux personnels de l’hôpital public (médecins, infirmiers(es), aides-soignants(es), sages-femmes…) en lutte ; il appelle à la convergence de classe, unifiant les collectifs de professionnels mobilisés (collectifs inter-hôpitaux, inter-urgences…), les syndicats de classe (CGT, SUD et FSU notamment) et le mouvement des Gilets jaunes contre le capitalisme et pour le socialisme-communisme.