[KKE] Unions impérialistes (UE, OTAN, TTIP, ...) : qu’est-ce qui se joue derrière ces "alliances" ?

Un séminaire international, intitulé « Un siècle après la publication de l’ouvrage de V.I. Lenin À propos du mot d’ordre des États-Unis d’Europe », a été organisé par la délégation du KKE au Parlement européen à Athènes le 10/12/2016, en réponse à l’appel de la plénière des Partis de l’« Initiative Communiste Européenne ».
Ce séminaire a mis en lumière les développements contemporains, complexes et sérieux pour les travailleurs, qui sont liés aux accords et aux unions capitalistes interétatiques.

Dimitris Koutsoumpas, SG du CC du KKE, a salué la réunion (allocution reproduite ci-dessous, et jointe en version téléchargeable), tandis que le discours d’introduction a été prononcé par Kostas Papadakis, membre du CC du KKE et député européen du parti ; à découvrir ICI

La mise en place d’une stratégie révolutionnaire unifiée en Europe et dans le monde entier est nécessaire

pour le renversement final de la barbarie capitaliste,
pour la paix et la prospérité pour le peuple,
pour le socialisme-communisme.

Chers Camarades,

Au nom du CC du KKE, je salue chaleureusement les travaux du séminaire international organisé à Athènes par la délégation du KKE au Parlement européen, à l’occasion du centenaire de la publication de l’ouvrage de Lénine « Sur le mot d’ordre des États-Unis d’Europe ».

Les positions de Lénine dans les conditions du début du XXe siècle conservent leur signification 100 ans après. C’est un ouvrage qui doit être étudié par les communistes, les radicaux, les gens qui ont de bonnes intentions, non seulement sur notre continent, en Europe, mais partout dans le monde. Bien sûr, dans un esprit créatif, à travers le prisme des changements qui ont eu lieu dans le monde ; des changements, cependant, qui n’ont pas changé l’essence, les lois fondamentales de l’économie capitaliste, la production incitée par la survaleur (plus-value), le profit, la concurrence et l’inégalité, l’anarchie dans la production, l’injustice dans la distribution.

Les accords interétatiques, les alliances impérialistes qui cherchent à « imposer l’ordre » au commerce international, aux exportations de capitaux, n’annulent pas les lois du capitalisme.
Au contraire, ils rendent leurs conséquences plus douloureuses pour les peuples, et à plus long terme, ils rendent nécessaire la lutte de classe révolutionnaire jusqu’à ce que le renversement du capitalisme et la construction du socialisme – communisme soient considérés comme nécessaires.

Camarades,
Après l’éclatement de la crise internationale en 2008-2009, il est devenu évident que l’UE et la zone euro ne constituent pas une alliance interétatique politico-économique stable. Dans les années qui ont suivi, le rapport de forces s’est modifié au sein du noyau dirigeant de l’UE en faveur de l’Allemagne. L’écart se creuse au détriment de la France et de l’Italie.

Au cours de la dernière décennie, le taux de croissance annuel moyen du PIB dans la zone euro est quasi stagnant, l’Allemagne occupant la première position.

L’aggravation de l’inégalité dans la zone euro se reflète dans l’écart croissant entre les excédents commerciaux de l’Allemagne et des Pays-Bas et les déficits de la plupart des États membres.

Au niveau politique, l’exacerbation de la concurrence à l’intérieur de l’UE s’est exprimée par le résultat du référendum britannique et la montée de l’euroscepticisme bourgeois en France, en Italie et dans d’autres États membres de l’UE, c’est-à-dire par le renforcement des forces centrifuges. Les prochaines élections présidentielles en France et les élections dans d’autres pays, en Allemagne elle-même, peuvent manifester une nouvelle aggravation de la situation dans l’UE.

Le résultat du Brexit reflète, dans une certaine mesure, la position négative plus générale de la classe bourgeoise britannique en ce qui concerne l’orientation pour approfondir l’Union Monétaire Européenne et l’UE, sa convergence stable avec les États-Unis dans sa concurrence avec l’Allemagne, l’existence de secteurs du Capital britannique et américain qui souhaitaient la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, et piéger le mécontentement populaire dans le courant de l’euroscepticisme bourgeois.

Sur ce terrain, les dilemmes de la ligne politique bourgeoise en Allemagne et dans le reste des États membres de l’UE se compliquent. Les gouvernements de la France et de l’Italie réclament le relâchement de la politique budgétaire afin de pouvoir renforcer leurs groupes monopolistes et l’approfondissement du processus d’unification de la zone euro, afin que l’Allemagne assume en pratique le rôle de garant des États endettés et les grandes banques à problème de l’UE.

Les États membres qui entretiennent des relations étroites avec les États-Unis, tels que le groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) ainsi que la Suède et le Danemark, visent à maintenir le caractère intergouvernemental et le renforcement de l’indépendance de la politique nationale en ce qui concerne diverses questions (par exemple les réfugiés - l’immigration).

La ligne dominante de la bourgeoisie allemande manœuvre entre le maintien du caractère intergouvernemental des décisions de l’UE et l’imposition dans la pratique d’une UE à plusieurs vitesses avec un centre plus étroit et plus cohérent pour la monnaie commune.

Cependant, la social-démocratie allemande converge dans une large mesure avec les propositions de la France et de l’Italie pour l’approfondissement de l’UE. Il y a aussi une confrontation concernant les relations de l’Allemagne avec les États-Unis et la Russie, alors que les relations se développent entre l’UE et la Chine.

Les États-Unis soutiennent l’Italie et la France sur la question de la détente de la politique budgétaire, ainsi que le groupe de Visegrad et les pays scandinaves sur celle de la fin à l’approfondissement de l’unification de l’UE.

Le G-20 a également pris position en faveur de la détente de la politique fiscale au profit des investissements publics.

Le but d’adjoindre l’Ukraine à l’UE, contre les plans russes de l’intégrer dans la Communauté économique eurasienne, a aiguisé les relations entre l’UE et la Russie, cette dernière soutenant les forces politiques, à l’intérieur de l’UE, qui sont contre le renforcement de l’unification capitaliste dans le cadre de l’UE.

La ligne dominante de la politique bourgeoise en Grèce considère comme une donnée que le pays reste dans la zone euro, tout en continuant à avoir des relations particulièrement étroites entre le Capital maritime grec et les États-Unis et la Grande-Bretagne, et à renforcer les relations économiques avec la Chine.

Camarades,

De toute manière, l’avenir de l’UE et de la zone euro, de l’économie capitaliste internationale, n’est pas seulement déterminé par les plans des impérialistes, parce que les contradictions ont leur propre dynamique. Aucune des options de gestion bourgeoise ne peut éradiquer la concurrence et les contradictions entre les économies capitalistes, tandis qu’elles entrent en conflit avec les intérêts des travailleurs et des peuples dans tous les États membres de la zone euro.

La crise a mis en évidence encore plus intensément les limites historiques du système capitaliste, plus généralement de sa difficulté à passer à un nouveau cycle de reproduction élargie du capital social. La crise économique prolongée en Grèce est l’expression de tous ces facteurs, dans un pays qui n’est bien sûr pas au sommet du capitalisme mondial ou de l’UE. Même si la classe bourgeoise en Grèce a bénéficié de l’adhésion à l’UE, en même temps, la gestion fiscale de la crise s’est révélée plus difficile dans les conditions de l’Union monétaire et du contrôle fiscal interétatique.

La classe bourgeoise grecque a d’abord bénéficié du renversement contre-révolutionnaire dans les pays voisins des Balkans et de l’adhésion à l’UE, et elle a réalisé une importante accumulation de capital et des exportations de capitaux sous forme d’investissements directs qui ont contribué au renforcement des entreprises et des monopoles grecs. Les exportations de capitaux se sont également étendues à d’autres pays. Elle a participé activement à toutes les interventions et guerres impérialistes, comme celles contre la Yougoslavie, l’Irak, l’Afghanistan, la Libye, etc, et elle a agit comme un membre actif de l’OTAN.

Après l’éclatement de la crise, la situation de l’économie capitaliste grecque s’est détériorée dans le cadre de la zone euro, de l’UE et du système capitaliste international en général, un fait qui n’empêche pas que l’adhésion de la Grèce à la CEE ait servi les sections les plus dynamiques du capital monopoliste national et ait contribué à renforcer son pouvoir politique.

Camarades,
Le projet du KKE s’adresse au peuple et n’a rien à voir avec le changement de monnaie ou la liaison de la drachme avec le dollar, la livre sterling, le yen ou tout autre monnaie. Nous ne choisissons pas entre Charybde et Scylla.

Un parti bourgeois peut adopter la position de se retirer de la zone euro, s’il évalue que des secteurs fondamentaux de la classe bourgeoise peuvent être servis par une monnaie nationale, que la relance pourrait être facilitée par une dévaluation. Ces tendances se sont exprimées lors du référendum britannique, et par les partis créés en Allemagne, ainsi que par les positions anti-UE du parti de Le Pen et d’autres partis populistes d’extrême droite en Europe. Le courant politique du protectionnisme se renforce dans l’ensemble de l’UE et aux États-Unis, avec l’élection de Trump, comme une arme contre le dynamisme de l’économie chinoise et contre le dynamisme de l’économie allemande en Europe.
Dans le même temps, il cohabite avec le courant du cosmopolitisme bourgeois, décoré de rhétorique de gauche. L’extension du « problème grec », par les forces bourgeoises et opportunistes en Grèce, en « problème paneuropéen », s’accompagne de l’idée qu’il ne saurait y avoir de changement au niveau national en faveur du peuple, au-delà de l’alternance de certains gouvernements et de certaines figures ; sans que soient affectées les relations de propriété sur les moyens de production, noyau des relations économiques et politiques. Ces forces veulent empêcher le peuple de lutter pour une autre société, la société socialiste. Elles affirment de façon trompeuse que les choses changeront simultanément en Europe ou mondialement, ou nulle part. La vérité, c’est que les changements commencent dans chaque pays et que leurs résultats ont un impact alors au niveau régional, continental et mondial.

L’État-nation bourgeois demeure l’organe fondamental qui assure la domination économique du Capital, des monopoles, la concentration et la centralisation du capital en concurrence avec les processus correspondants dans les autres États, il reste une arène importante pour la lutte de classe implacable entre travail et capital et pour cette raison, l’arène de base pour le développement de la lutte de classe. Cela ne contredit pas la nécessité d’une lutte de classe coordonnée au niveau régional, européen et mondial.

Camarades,
Enfin, je voudrais souligner une fois de plus que les contradictions inter-impérialistes qui, dans le passé, ont mené à des dizaines de guerres locales et régionales et à deux guerres mondiales, continuent de conduire à des confrontations économiques, politiques et militaires difficiles, dans la structure et le cadre des objectifs des unions impérialistes, anciennes et nouvelles.

Dans tous les cas, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », en particulier dans les conditions d’une profonde crise de suraccumulation et d’importants changements dans le rapport des forces du système impérialiste international, dans lequel la redistribution des marchés se produit rarement sans effusion de sang.

De ce point de vue, nos partis doivent être en état de préparation. Le peuple et la jeunesse ne doivent pas verser leur sang pour les intérêts des capitalistes.

Aujourd’hui, alors que les dangers d’une guerre impérialiste plus généralisée et que les conflits se multiplient dans notre région élargie des Balkans au Moyen-Orient, le KKE appelle les gens à lutter pour qu’il n’y ait aucun changement aux frontières, pour la défense des droits de souveraineté du pays du point de vue des intérêts de la classe ouvrière et des couches populaires, ce qui ne peut être détaché de la lutte pour renverser le pouvoir du Capital et n’a rien à voir avec la défense des plans de l’un ou l’autre pôle impérialiste, l’un ou l’autre groupe de monopole.

C’est pourquoi la coopération et la lutte commune de nos peuples, la coopération étroite de nos partis, l’élaboration d’une stratégie révolutionnaire unifiée en Europe et dans le monde entier doivent être renforcées pour le renversement final de la barbarie capitaliste, pour la prospérité, pour le socialisme-communisme.

Traduit par la commission internationale du Parti Communiste Révolutionnaire de France

Version téléchargeable :

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